L’assurance prévoyance complémentaire du professionnel de santé : quelles garanties couvertes ?
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Etre professionnel de santé ne procure pas de protection magique contre la maladie ou l’accident !
Lorsque les aléas de la vie provoquent un arrêt de travail prolongé, voire une invalidité partielle ou totale, les conséquences financières peuvent être particulièrement préoccupantes. En effet, les régimes obligatoires ne compensent pas totalement la perte de revenus et ne couvrent pas les éventuelles charges professionnelles permanentes.
Selon le statut (praticien hospitalier, professionnel libéral ou salarié etc.) et même la profession exercée pour les libéraux, diverses situations se présentent.
L’assurance prévoyance complémentaire spécifique au professionnel de santé doit donc combler les faiblesses des régimes obligatoires spécifiques à ces derniers en palliant la perte de revenus et couvrant les charges fixes.
Les régimes obligatoires
Que vous soyez un professionnel de santé salarié ou libéral, votre couverture prévoyance de base est incluse dans votre régime obligatoire.
Le Régime Général de la Sécurité sociale pour les salariés et les praticiens hospitaliers
Pour les professionnels de santé salariés, les prestations de prévoyance sont incluses dans la branche Maladie du régime général de la Sécurité sociale (hors accidents du travail et maladies professionnelles qui est une branche spécifique même si ces deux branches sont gérées en prestations par le même interlocuteur la CPAM).
- En cas d’arrêt de travail, les indemnités journalières sont égales à 50% de la moyenne des 3 derniers mois de salaire brut plafonnée à 1,8 fois le SMIC).
Le montant maximum de l’indemnité est de 52,28 € bruts (depuis le 1er février 2014).
Elles sont versées à compter du 4ème jour (carence de 3 jours) et au plus tard, jusqu’au 1 095ème jour d’arrêt de travail.
- En cas d’invalidité, la rente d’invalidité est calculée à partir d’un pourcentage appliqué sur la moyenne du salaire annuel cotisé des 10 meilleures années dans la limite du plafond annuel de la Sécurité sociale soit 46 368 € au 1er janvier 2024.
En cas de capacité résiduelle de travail, une pension d’invalidité dite de 1ère catégorie est versée dont le montant est de 30% de la moyenne ci-dessus compris entre un minimum de 328,07 € et maximum de 1 159,20 € mensuel brut.
En l’absence de capacité résiduelle de travail, une pension d’invalidité dite de 2ème catégorie est versée dont le montant est de 50% de la moyenne ci-dessus compris entre un minimum de 328,07 € et maximum de 1 932 € mensuel brut.
Elle est versée jusqu’au 62ème anniversaire du bénéficiaire, âge à partir duquel il est mis d’office à la retraite.
En cas de nécessité de l’assistance constante d’une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie courante, une majoration de 1 210,90 € mensuelle peut être accordée.
- En cas de décès, un capital forfaitaire de 3 738 € (au 01/04/2023) est versé en priorité au conjoint sinon aux enfants à parts égales, sinon aux ascendants par parts égales.
A noter : Aucune prestation sous forme de rente n’est prévue au profit du conjoint ou des enfants pour compenser la perte de revenus.
Les salariés bénéficient d’autres protections que celle apportée par le régime général de la Sécurité sociale :
- Depuis la loi de mensualisation du 19 janvier 1978, les employeurs sont dans l’obligation de maintenir tout ou partie de la rémunération d’un salarié en arrêt de travail. Cette obligation va crescendo avec l’ancienneté.
- Les conventions collectives nationales (CCN) par branche professionnelle procurent à leurs salariés des protections complémentaires en matière de prévoyance et de couverture des frais de santé ; pour les cadres, la Convention collective nationale des cadres du 14 mars 1947, impose à l’employeur une couverture minimale en cas de décès.
Les praticiens hospitaliers titulaires ou contractuels bénéficient d’une protection statutaire portée par l’hôpital mais en cas d’arrêt de travail seulement. Leur statut ne leur apporte aucune couverture supplémentaire au régime général de la Sécurité sociale en cas d’invalidité ou de décès.
Comme les fonctionnaires, ils bénéficient de 3 types de congé maladie qui diffèrent en montant et durée de prise en charge.
- Le congé maladie ordinaire (CMO) garantit pour une durée de 12 mois maximum un maintien de salaire à 100 %* des émoluments de base (hors primes, gardes et astreintes) pendant les 3 premiers mois puis à 50 %** au-delà.
- Le congé longue maladie (CLM), réservé aux maladies nécessitant un traitement ou des soins coûteux et prolongé(s) n’entrant pas dans la liste exhaustive du CLD, garantit pour une durée de 3 ans maximum un maintien de salaire à 100 %* des émoluments de base (hors primes, gardes et astreintes) pendant la 1ère année puis à 50 %** au-delà.
- Le congé longue durée (CLD), réservé à une liste limitative de maladies (tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite, déficit immunitaire grave et acquis), garantit pour une durée de 5 ans maximum un maintien de salaire à 100 %* des émoluments de base (hors primes, gardes et astreintes) les 3 premières années puis à 50 %** au-delà.
*66 % et ** 33% si le PH est avec « secteur privé ».
Pour toute précision ou tout complément d’information, cf. le guide du Praticien Hospitalier – 04 Quelle protection sociale pour les PH ?
Les Régimes Invalidité-Décès des différentes caisses sectorielles pour les libéraux
Pour les professionnels de santé libéraux, les prestations obligatoires de prévoyance sont principalement apportées par la caisse de retraite complémentaire obligatoire à laquelle ils sont rattachés. Chacune de ces caisses de retraite a ses propres spécificités qui sont résumées dans le tableau ci-dessous.
A noter : Des indemnités journalières couvrant les 90 premiers jours d’arrêt de travail ont été mises en place pour les professionnels libéraux des 10 caisses de retraite sectorielles, affiliées à la CNAVPL (CARMF, CARPIMKO, CARPV, CAVP, CARCDSF, CPRN, CAVOM, CAVEC, CAVAMAC et CIPAV).
Pour de plus amples détails sur ce dispositif, consultez notre article dédié.
Décès | Incapacité temporaire | Invalidité ou
Incapacité définitive |
|
CARMF
Médecins |
• Capital décès de 66 000 €.
• Rente au conjoint entre 8 145 € à 16 290 € par an • Rente éducation de 9 593 € par an par enfant jusqu’à 21 ans (ou 25 ans si poursuite d’études) |
Indemnités journalières versées à partir du 91e jour d’arrêt de travail, montant en fonction de la classe (A, B ou C) de cotisations et de l’âge, entre 38,30 € et 150,12 €. | • Rente d’invalidité totale en fonction de la classe de cotisation entre 22 524,60 € et 30 032,80 € par an jusqu’au 62e anniversaire majorée de 35 % si marié depuis plus de 2 ans avec un conjoint avec des ressources <30 290 € ; de 35 % en cas de recours à une tierce personne et de 10 % si trois enfants.
• Rente aux enfants à charge de 8 366,28 € par an jusqu’à 21 ans (ou 25 ans si poursuite d’études) |
CARCDSF
Chirurgiens-dentistes |
• Capital décès de 18 845 €.
• Rente au conjoint de 20 051,08 € par an ou Allocation unique. • Rente d’éducation de 13 568,40 € par an par enfant jusqu’à 18 ans (ou 25 ans si poursuite d’études) |
Indemnités journalières versées à partir du 91e jour d’arrêt de travail : 108,82 €. | Rente d’invalidité totale de 31 201 € par an majorée de 9 132,60 € par enfant à charge. |
CARCDSF
Sages-femmes
|
Capital décès de 14 540 €. | Indemnités journalières versées à partir du 91e jour d’arrêt de travail de 47,77 €. | Rente d’invalidité totale de 13 196 € par an |
CARPIMKO
Infirmiers,
|
• Capital décès versé au conjoint survivant de 36 288 € (sans enfant) ; 54 432 € (avec enfant(s) à charge ou handicapé(s)) ou 18 144 € à l’ascendant ou descendant à charge.
• Rente au conjoint de 10 080 € par an. • Rente d’éducation de 7 560 € par enfant jusqu’à l’âge de 18 ans (ou 25 ans si poursuite d’études) |
Indemnités journalières versées à partir du 91e jour d’arrêt de travail :
• de 27,72 € en cas d’inaptitude partielle. • de 55,44 € en cas d’inaptitude totale majorées de 10,08 € pour le conjoint à charge, 16,63 € pour chaque descendant à charge et 20,16 € pour la tierce personne. Les majorations pour « conjoint à charge » et « tierce personne » ne sont pas cumulables. |
• Rente d’invalidité partielle (incapacité professionnelle >66%) : 10 080 € par an.
• Rente d’invalidité totale de 20 160 € par an, majorée de 6 048 € par majoration pour conjoint, enfant(s) ou descendant(s) à charge ou atteint d’un handicap et tierce personne. Les majorations pour « conjoint à charge » et « tierce personne » ne sont pas cumulables. |
CARPV
Vétérinaires |
• Capital décès de :
Classe Minimum : 36 565 € Classe Médium : 73 130 € Classe Maximum : 109 695 € • Rente au conjoint de : Classe Minimum : 4 635 € par an Classe Médium : 9 270 € par an Classe Maximum : 13 905 € par an • Rente d’éducation de : Classe Minimum : 4 120 € par an Classe Médium : 8 240 € par an Classe Maximum : 12 360 € par an par enfant jusqu’à 18 ans (ou 25 ans si poursuite d’études) |
La CARPV ne verse pas d’indemnités journalières.
Depuis le 1er février 2017, une rente temporaire d’incapacité totale, au taux de 100%, a été créée. Elle est soumise à la cessation de toute activité rémunérée, mais uniquement pendant le temps de versement de la rente. |
Au vétérinaire atteint d’une invalidité depuis plus d’un an versement d’une :
• Rente partielle (incapacité professionnelle >66%) de : Classe Minimum : 8 240 € par an Classe Medium : 16 480 € par an Classe Maximum : 24 720 € par an • Rente totale de : Classe Minimum : 12 875 € par an Classe Médium : 25 750 € par an Classe Maximum : 38 625 € par an + rente d’éducation |
CAVP
Pharmaciens |
• Capital décès versé de 24 517,50 €
• Rente(s) de 16 345 € par an versée(s) au conjoint jusqu’à 60 ans et à chacun de ses enfants (jusqu’à 21 ans ou 25 ans si poursuite d’études) |
La CAVP ne verse pas d’indemnités journalières. | • Rente d’invalidité totale de 16 345 € par an
• Rente aux enfants de 16 345 € par an jusqu’à 21 ans (ou 25 ans si poursuite d’études) • Rente au conjoint de 8 172,50 € par an |
CIPAV
19 professions dont : ostéopathe, psychologue, psychothérapeute, ergothérapeute, diététicien, chiropracteur
|
La cotisation annuelle est transformée en points de prévoyance (1 point pour 0,013 € de cotisations).
• Capital décès égal à de 3,01 € pour 1 point de prévoyance (majoré de 5 000 points en cas de décès accidentel) plus un montant forfaitaire égal à 15% du PASS. • Rente(s) annuelle(s) de 0,301 € pour 1 point de prévoyance plus un montant forfaitaire égal à 1,5% du PASS, versée(s) au conjoint et à chacun de ses enfants (jusqu’à 21 ans ou 25 ans si poursuite d’études) |
La CIPAV ne verse pas d’indemnités journalières. | La cotisation annuelle est transformée en points de prévoyance (1 point pour 0,013 € de cotisations).
• Rente annuelle d’invalidité totale égale à 1,00333 € pour 1 point de prévoyance plus un montant forfaitaire égal à 5% du PASS. • Rente partielle (incapacité professionnelle >66%) : la fraction de rente perçue est proportionnelle au taux d’invalidité retenu. |
La Sécurité sociale des indépendants (SSI)
autres professions indépendantes du monde de la santé non citées ci-dessus |
• Capital décès d’un travailleur indépendant cotisant ou bénéficiaire d’une pension d’invalidité : 9 273,60 € (20% du PASS)
• Capital décès d’un travailleur indépendant retraité : 3 709,44 € (8% du PASS) • Capital « orphelin » de 2 318,40 € (5% du PASS) par enfant âgé de moins de 16 ans ou 20 ans si poursuite d’études ou quel que soit son âge si handicapé. |
Indemnités journalières versées à partir du 4e jour d’arrêt de travail, égales à 50% du revenu d’activité annuel moyen (Raam) des 3 années civiles précédant la date de l’arrêt de travail dans la limite de 63,52 €. | Pourcentage du revenu annuel moyen des 10 meilleures années d’activité :
• Invalidité partielle : 30 % entre 494,47 €/mois et 1 099,80 €/mois. • Invalidité totale : 50 % entre 696,64 €/mois et 1 833 €/mois + majoration tierce personne : 1 210,90 €/mois |
Les barèmes d’indemnisation indiqués dans ce tableau sont ceux applicables en avril 2024. Le montant du PASS pour 2024 est de 46 368 €.
Le régime PAMC (Praticien ou auxiliaire médical conventionné)
Les professionnels de santé libéraux et conventionnés relevant de la CARPIMKO, de la CARCDSF et de la CARMF peuvent bénéficier de prestations complémentaires dans le cadre du régime PAMC, notamment un capital supplémentaire en cas de décès maximum de 11 592 € pour 2024.
La prise en charge au titre de la grossesse et de la maternité (y compris l’adoption) d’une travailleuse indépendante, est portée par la CPAM. Sous réserve de justifier de 6 mois d’affiliation, la période de repos maternelle est d’une durée minimum de 8 semaines, dont 6 semaines après l’accouchement ou l’adoption.
La durée maximum du congé maternité est de :
- 16 semaines pour le 1er et le 2nd enfant (6 semaines avant et 10 semaines après),
- 26 semaines pour le 3ème enfant et les suivants (8 semaines avant et 18 semaines après),
- 34 semaines pour une grossesse gémellaire (12 semaines avant et 22 semaines après)
- 46 semaines pour des triplés ou plus (24 semaines avant et 22 semaines après).
Elle se compose de deux prestations :
- Une allocation forfaitaire de repos maternel (3 864 € au 1er janvier 2024) versée en deux fois.
- Une indemnité journalière forfaitaire d’interruption d’activité égale à 50 % du revenu professionnel moyen cotisé des 3 dernières années d’activité (maximum 63,52 €/jour au 1er janvier 2024). Si votre revenu moyen cotisé est inférieur à 10% du PASS le montant de votre allocation est nul.
Quels risques une assurance prévoyance complémentaire couvrent-elle ?
Afin de compléter les prestations proposées par les régimes obligatoires, il est recommandé de souscrire un contrat de prévoyance à titre individuel.
Cette assurance prévoyance compense votre perte de revenus en cas d’arrêt de travail temporaire, d’invalidité (partielle ou totale) ou de décès ; elle vient compléter la protection sociale de votre régime obligatoire, insuffisante au quotidien pour maintenir le niveau de vie.
En cas d’arrêt de travail temporaire (c’est-à-dire en cas d’arrêt de travail pour cause de maladie ou d’accident avec ou sans hospitalisation), l’assurance prévoyance verse des indemnités journalières (IJ) complémentaires à celles, le cas échéant, du régime obligatoire.
Elle complète les IJ de votre régime obligatoire, pendant une période prédéfinie dans le contrat (et au plus de 3 ans). Votre assurance prévoyance peut aussi vous aider à faire face à vos frais professionnels qui continuent de courir pendant votre arrêt de travail, mais également couvrir des frais supplémentaires si vous faites appel à un remplaçant par exemple.
En cas d’invalidité (c’est-à-dire d’incapacité définitive, totale ou partielle, d’exercer votre profession ou spécialité), l’assurance prévoyance compense votre perte de revenus par une rente qui vous sera versée jusqu’à votre retraite et verse un capital vous permettant d’assumer les dépenses immédiates nécessaire à la cessation de votre profession et à la prise en charge de votre état. Ce capital est le plus souvent optionnel.
Enfin, en cas de décès et de pertes totale et irréversible d’autonomie, l’assurance prévoyance permet à votre conjoint de recevoir, en complément de ce qui est prévu par le régime obligatoire, un capital décès ainsi qu’une rente annuelle, et à vos enfants de pouvoir bénéficier d’une rente d’éducation pour poursuivre leurs études. Le capital décès permettra de couvrir tout ou partie des frais d’obsèques engagés mais aussi suivant vos choix, les droits de succession de vos héritiers et d’apporter à vos proches une réserve financière.
Si vous êtes un professionnel de santé exerçant en libéral, il est possible de souscrire une assurance prévoyance complémentaire dans le cadre fiscal de la Loi Madelin et vous pourrez ainsi déduire votre cotisation de votre revenu déclaré à l’administration fiscale (dans les conditions et limites prévues à l’article 154 bis du Code Général des Impôts).
Une assurance prévoyance pour chaque catégorie de professionnel de santé
Comme les prestations prévoyance de base varient d’un statut à l’autre et pour les libéraux d’une caisse de retraite à l’autre, il est important que l’assurance prévoyance complémentaire prenne en compte les situations spécifiques de chaque professionnel de santé. A titre d’exemple, les vétérinaires libéraux qui ne reçoivent aucune indemnité de leur régime obligatoire en cas d’arrêt de travail ou d’invalidité inférieure à 66% n’ont pas les mêmes attentes que d’autres professionnels qui en bénéficient.
Dans tous les cas, l’assurance prévoyance complémentaire répond à des préoccupations communes à l’ensemble des professionnels de santé : garantir le maintien des revenus, prendre en charge tout ou partie des frais professionnels permanents et protéger le niveau de vie de la famille, en cas d’arrêt de travail temporaire, d’invalidité ou de décès.