Exercice en groupe des professionnels de santé : formes juridiques et assurances associées
Vous êtes un professionnel de santé et envisagez de vous installer en cabinet de groupe, peut-être pour bénéficier de l’expérience d’autres praticiens de même spécialité que vous et d’une entraide mutuelle, ou bien pour partager les frais de fonctionnement et le matériel, ou bien encore pour permettre une continuité des soins prodigués aux patients…
Quelles que soient vos raisons, sachez qu’il existe plusieurs formes juridiques d’exercice en groupe répondant à des souhaits et des situations différents. Le choix de l’une ou l’autre repose sur des critères d’optimisation matériels, juridiques ou fiscaux. Chacune de ces formes juridiques a ses avantages et ses inconvénients : choisir un mode d’exercice plutôt qu’un autre a en effet des conséquences comptables, juridiques et assurantielles.
C’est pourquoi, nous vous recommandons de vous faire accompagner de spécialistes (avocat ou expert-comptable) au moment de choisir le mode d’exercice en groupe qui vous convient. Dans cet article, nous vous proposons un tour d’horizon de ces différents modes d’exercice, de leurs avantages et inconvénients, ainsi que des assurances qui leur sont associées.
Le contrat d’exercice en commun et la société de fait : formes les plus simplifiées d’exercice en groupe
Le contrat d’exercice en commun, également appelé « contrat d’exercice professionnel à frais communs », est la forme la plus simplifiée d’exercice en groupe. Il s’agit d’un contrat de droit privé régi par le Code civil. Il n’engage que ses signataires et n’est pas opposable aux tiers.
Plusieurs praticiens s’entendent sur une organisation commune facilitant leur exercice professionnel, sans constituer pour autant une société. Nous vous conseillons de choisir ce mode d’exercice en groupe si vous privilégiez la souplesse et la simplicité du formalisme. En effet, l’organisation s’adapte rapidement aux changements. Elle ne fonctionne que si la confiance est totale entre les confrères.
Lorsque les honoraires sont également mis en commun c’est-à-dire encaissés sur un compte joint ouvert aux noms de quelques ou tous les associés, on parle de « STEF (société de fait) ou SDF ou SCF ». Dans ce cas, la société même si elle n’existe juridiquement pas, a une existence fiscale qui se matérialise entre autres par le dépôt en son nom et sous son numéro de SIRET d’une déclaration des Revenus non commerciaux via le formulaire n°2035. A la différence d’une SCP, cette déclaration ne libère pas ses associés de leur obligation de tenue d’une comptabilité personnelle et de faire eux-mêmes une déclaration 2035 s’ils sont au BNC ou 2065 s’ils sont soumis à l’IS car exercent en SEL unipersonnelle.
Fiscalité | Avantages | Inconvénients | Assurances |
Chaque praticien est imposé à titre personnel sur son activité professionnelle | Simplicité du formalisme : les relations entre praticiens sont régies par un simple contrat Chaque praticien conserve son indépendance |
Les dettes sont détenues en indivision ce qui signifie que les associés sont solidaires totalement et indéfiniment y compris sur leurs patrimoines privés Les salariés sont sous contrats à temps partiel établis par chaque praticien |
A titre individuel Complémentaire santé individuelle, Responsabilité Civile Professionnelle, Protection Juridique, Multirisque professionnelle, Prévoyance, Retraite, Santé collective |
La Société Civile de Moyen (SCM) : une forme d’exercice en groupe qui permet de partager les frais tout en conservant votre indépendance
La société Civile de Moyen est un mode d’exercice en groupe, mono ou pluridisciplinaire, qui offre à ses membres la jouissance de tout ou partie de ses moyens matériels et humains. Elle permet à des praticiens d’une même spécialité ou de spécialités différentes (médicales ou paramédicales) de se regrouper.
Elle est dotée d’une personnalité morale et peut donc être propriétaire de matériels, salarier du personnel, emprunter. Les associés de la SCM peuvent être des professionnels de santé libéraux, des personnes physiques ou morales. En tant qu’associé, vous restez propriétaires de votre propre clientèle et percevez vos propres honoraires. Les règles de fonctionnement de la SCM sont définies dans ses statuts (conditions d’admission de nouveaux membres, répartition des dépenses, modalités de cession de parts sociales…) et les décisions collectives se prennent en assemblée. Les associés sont co-gérants si aucun autre gérant n’est désigné.
Fiscalité | Avantages | Inconvénients | Assurances |
La SCM n’est pas imposée. Son résultat s’il est positif, sera fiscalisé lorsqu’il sera partagé et remis entre les mains de ses associés. La logique de fonctionnement d’une SCM veut que son résultat soit nul. En effet, ses dépenses sont égales aux remboursements de ses associés. |
Simplicité de fonctionnement Pas de capital minimum Indépendance professionnelle des membres |
Responsabilité indéfinie et conjointe des associés Impossibilité de réduire la pression fiscale |
SCM Protection Juridique, Multirisque professionnelle, Santé collective (si la SCM emploie des salariés) A titre individuel Responsabilité Civile Professionnelle, Protection Juridique, Complémentaire santé individuelle, Multirisque professionnelle, Prévoyance, Retraite |
La Société Civile Professionnelle (SCP), une forme d’exercice en groupe permettant le partage des moyens et de la patientèle
La SCP est une « société de personnes » exerçant en libéral, dont la particularité fondamentale est la mise en commun des honoraires. En tant que société d’exercice, elle doit être inscrite au Tableau de l’Ordre.
Ce mode d’exercice en groupe, mono disciplinaire, ne concerne que les professions médicales et paramédicales suivantes : chirurgiens-dentistes, infirmiers / infirmières, masseurs-kinésithérapeutes, médecins, vétérinaires, directeurs de laboratoire d’analyse de biologie médicale. Notez par exemple que les pharmaciens ne peuvent pas créer de SCP.
La SCP doit être constituée de 2 associés au minimum. À défaut de désignation d’un gérant (choisi parmi les associés), les associés sont co-gérants.
Fiscalité | Avantages | Inconvénients | Assurances |
La SCP n’est pas imposée : par exception, l’option sur l’IS (impôt sur les sociétés) est possible mais irrévocable Chaque associé est imposé sur la part des bénéfices qui lui revient |
Souplesse et liberté de fonctionnement Pas de capital minimum Possibilité d’exercer en sites multiples Extensions de plateaux techniques possibles |
Responsabilité indéfinie et solidaire des associés Responsabilité individuelle du gérant envers la société et envers des tiers Inscription au tableau de l’Ordre Formalisme de fonctionnement (les décisions doivent être prises de manière collective) |
SCP RCP y compris médicale, protection Juridique, Multirisque professionnelle, Santé collective (si la SCP SCP emploie des salariés), couverture des charges communes en cas d’arrêt de travail, invalidité ou décès d’un associé, rachat des parts d’un associé invalide ou décédé. A titre individuel RCP, Protection Juridique, Complémentaire santé individuelle, Prévoyance, Retraite |
La société d’Exercice Libérale (SEL) : une forme d’exercice en groupe favorisant une optimisation fiscale et sociale
Les SEL existent sous différentes formes qui sont copiées sur les sociétés commerciales traditionnelles (SELURL, SELARL, SELAFA, SELCA, SELAS) ; elles sont mono disciplinaires et concernent les professions médicales et paramédicales suivantes : chirurgiens-dentistes, infirmiers / infirmières, masseurs-kinésithérapeutes, vétérinaires, directeurs de laboratoire d’analyse de biologie médicale.
Les SEL offrent aux associés la possibilité de partager la patientèle et les moyens. Chaque associé est responsable des actes professionnels qu’il accomplit et la SEL est solidairement responsable avec lui ; elle doit donc être inscrite au Tableau de l’Ordre. Chaque membre exerce dans le cadre d’un mandat social (gérant) ou d’un contrat de travail.
Ce mode d’exercice en groupe offre aux associés la possibilité d’optimiser leur gestion sociale et fiscale en agissant sur différents paramètres (provisions, rémunération, constitution de réserves, distribution de dividendes).
Fiscalité | Avantages | Inconvénients | Assurances |
Les SEL sont soumises à l’IS Chaque associé est imposé selon son statut, sur sa rémunération et/ou sur ses dividendes |
Possibilité de faire appel à des capitaux extérieurs Possibilité d’optimiser la gestion fiscale et sociale des associés Indépendance préservée des membres des professions libérales Responsabilité des associés limitée à leurs apports |
Obligation de tenir une comptabilité de société commerciale soumise à l’IS Fonctionnement plus lourd et plus complexe que l’entreprise individuelle Fiscalité de la transmission alourdie |
SEL
RCP (Responsabilité Civile Professionnelle),
A titre individuel |
Le Pôle de santé, la Maison de santé : des formes d’exercice en groupe permettant de se réunir autour d’un projet médical commun
Pôle de santé et Maison de santé ont le même objectif : réunir des professionnels de santé (médicaux et paramédicaux) mais aussi des acteurs du médico-social d’un même territoire, autour d’un projet médical commun concernant la population. Leur différence est que dans le premier cas (pôle de santé), ces professionnels exercent dans des locaux séparés.
La Maison de santé est constituée entre les professionnels de santé. Pour permettre la perception des nouveaux modes de rémunération (NMR) dans le cadre d’une convention signée à l’Agence régionale de santé (ARS), la mise en place d’une forme juridique appelée “Société Interprofessionnelle de Soins Ambulatoires (SISA*)” est indispensable.
Au-delà du simple partage de moyens, les objectifs spécifiques de la SISA sont : l’exercice en commun, par ses associés, d’activités de coordination thérapeutique, d’éducation thérapeutique ou de coopération entre les professionnels de santé et sous réserve que ses statuts le prévoient, l’exercice de la pratique avancée par des auxiliaires médicaux.
Chaque praticien est responsable des actes professionnels qu’il accomplit dans le cadre de la SISA.
Fiscalité | Avantages | Inconvénients | Assurances |
Chaque personne physique faisant partie de la SISA est soumise à l’Impôt sur le Revenu les bénéfices non commerciaux qu’il dégage La SISA n’est pas assujettie à l’impôt sur les sociétés |
Pouvoir bénéficier de subventions publiques Mutualiser les frais de structure Se décharger de la gestion administrative Travailler en équipe pluridisciplinaire |
Engagement à respecter le projet commun Lourdeur de la gestion administrative (suivi des patients et coordination entre professionnels de santé) |
SISA Protection Juridique, Multirisque professionnelle, Santé collective (si la SISA emploie des salariés), couverture des charges communes en cas d’arrêt de travail, invalidité ou décès d’un associé A titre individuel Responsabilité Civile Professionnelle, Protection Juridique, Complémentaire santé individuelle, Prévoyance, Retraite |
* La loi Fourcade n°2011-940 du 10/08/2011 a instauré la SISA, le décret définissant : les activités exercées en commun par les associés et les mentions qui doivent figurer dans les statuts, a été publié au JO le 25 mars 2012 (décret n°2012-407 du 23 mars 2012). En résumé, au minimum, une SISA doit compter deux médecins et un auxiliaire médical et ces associés ne peuvent être que des médicaux1, auxiliaires médicaux2 ou des pharmaciens.
1: Les professions médicales : médecins, sages-femmes et odontologistes (art. L4111-1 à L4163-10 du Code de la santé publique).
2: Les professions d’auxiliaires médicaux : infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, ergothérapeutes et psychomotriciens, orthophonistes et orthoptistes, manipulateurs d’électroradiologie médicale et techniciens de laboratoire médical, audioprothésistes, opticiens-lunetiers, prothésistes et orthésistes, diététiciens, aides-soignants, auxiliaires de puériculture et ambulanciers (art. 4311-1 à 4394-3 du Code de la santé publique).
Quel que soit le mode d’exercice en groupe que vous choisirez, il est important de souscrire les garanties appropriées, qu’il s’agisse d’assurances individuelles des associés (prévoyance, retraite, RCP…), de garanties pour pallier l’incapacité de travail ou le décès d’un associé, ou d’assurances pour le cabinet (RCP, Santé collective, Multirisque professionnelle, couverture des charges en cas d’arrêt de travail, invalidité ou décès d’un associé, rachat des parts d’un associé invalide ou décédé …) Si certaines de ces assurances sont obligatoires, d’autres sont facultatives mais néanmoins, recommandées, afin que vous soyez indemnisé le mieux possible en cas de sinistre.