L’intégration des médecins diplômés hors de l’Union européenne
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En France, le système de santé intègre des médecins titulaires de diplômes obtenus hors de l’Union européenne (UE) appelés Praticiens diplômés hors UE (PADHUE) dans les hôpitaux publics. Toutefois, leur parcours professionnel est pavé d’embûches administratives alors que d’autres pays européens offrent des conditions bien plus attractives.
Des statuts spécifiques et transitoires
Pour pouvoir exercer en France, ces médecins étrangers ont commencé par obtenir une autorisation d’exercice temporaire. Cette autorisation est liée à des statuts hospitaliers spécifiques tels que praticien attaché associé ou assistant associé et plus récemment, praticien associé. Ces différents statuts sont sensés permettre une transition progressive vers une intégration plus stable au sein du système de santé français, tout en assurant aux patients un niveau de compétence médicale rigoureusement contrôlé.
Nombre de médecins à diplôme hors UE en FranceSur les 234 028 médecins en activité inscrits à l’Ordre en 2023, près de 30 000 sont titulaires d’un diplôme étranger dont 16 346 sont diplômés hors Union européenne (7% des médecins en France) dont la moitié seraient originaires des pays du Maghreb. Ces médecins se retrouvent souvent dans des spécialités où la demande est forte, telles que la médecine générale, la psychiatrie, et l’anesthésie, ainsi que dans des territoires sous-dotés, notamment certaines zones rurales et périurbaines. Source : DREES (Estimation du nombre de médecins à diplôme hors UE en France – 2023) |
Deux décrets à connaître
Le décret n°2021-365 du 29 mars 2021 prévoit l’extinction au 1er janvier 2023 des statuts de praticien attaché associé et d’assistant associé au profit du statut de praticien associé. Ce statut unique s’inscrit dans une logique de simplification de l’exercice des praticiens diplômés hors UE, conformément au cadre défini par la stratégie Ma santé 2022. Dans les faits, les Padhue (praticiens à diplôme hors UE) sont souvent recrutés sous des status précaires de « stagiaire associé » ou de « faisant fonction d’interne – FFI » , avec des rémunérations mensuelles beaucoup plus faibles.
La création du statut de praticien associé vise à offrir des conditions statutaires homogènes à tous les praticiens diplômés hors Union Européenne, durant la période de consolidation de leurs compétences ou au cours de leur stage d’adaptation d’un à trois an(s) après les épreuves de vérification des connaissances (EVC).
En 2023, sur les plus de 20 000 candidats aux EVC, seuls 2 649 ont été admis, soit un taux de réussite de 13,5%. La notation des EVC est souvent perçue comme très sélective, transformant ce qui devrait être une validation de compétences en un véritable concours.
Le décret n°2022-1693 du 27 décembre 2022 a apporté des évolutions importantes. Pour éviter que des praticiens se retrouvent dans un vide juridique à l’issue de leur autorisation temporaire en attendant la décision ministérielle relative à leur statut définitif, il a prolongé les autorisations d’exercice jusqu’au 30 avril 2023 des praticiens attachés associés et des assistants associés. Cette prolongation permettait aussi la continuité de leur activité clinique.
Toutefois, la lenteur dans la régularisation des praticiens a conduit à une vague de licenciements après l’échec de nombreux médecins à la session 2023 des EVC. Face aux manifestations des PADHUE et aux pressions syndicales, le gouvernement a autorisé la délivrance d’attestations provisoires d’exercice pour des médecins étrangers en attente d’une nouvelle session des EVC, prévue en 2024.
Autre mesure importante introduite par ce décret, la possibilité pour les praticiens affectés à des centres hospitaliers universitaires de poursuivre leur parcours de consolidation des compétences sous la supervision d’un praticien agréé maître de stage des universités. Cette mesure vise à améliorer l’accompagnement des médecins et à renforcer leurs compétences.
Droits aux congés en cas de maladie
Le décret n°2021-365 du 29 mars 2021 précise la protection sociale « arrêt maladie » du praticien associé :
Type de congé | Mois ou année d’arrêt de travail continu(e)s | Taux de maintien des émoluments |
Congé de maladie ordinaire | Les 3 premiers mois | 100 % |
Les 9 mois suivants | 50 % | |
Congé de longue maladie | Les 12 premiers mois | 100 % |
Les 18 mois suivants | 50 % | |
Congé de longue durée | 2 ans | 100 % |
Cette protection est similaire aux statuts des : anciens Praticiens Contractuels CDD, Assistants des hôpitaux et Assistants associé des hôpitaux, Chefs de clinique des universités-assistants des hôpitaux et Assistants hospitaliers universitaires (CCU-AHU).
Le site www.emploi-collectivités.fr communique la grille indiciaire hospitalière de la rémunération brute mensuelle du Praticien associé.
Dernière étape : l’inscription à l’Ordre
Une fois les EVC validées et l’autorisation ministérielle d’exercice obtenue, il faut s’inscrire au tableau de l’Ordre des médecins. C’est une démarche personnelle et obligatoire sous peine de poursuites pour exercice illégal de la médecine.
Le conseil national de l’Ordre des médecins récapitule sur son site internet les étapes préalables nécessaires selon les cas de figure. Si un praticien ne bénéficie pas de la reconnaissance de ses qualifications professionnelles (parce qu’il ne remplit pas les conditions), le Conseil départemental émet un refus d’inscription et l’invite à s’adresser au Centre National de Gestion pour suivre la procédure du Régime Général d’autorisation ministérielle d’exercice.
Le médecin est autorisé à exercer dans sa spécialité, par le ministre chargé de la Santé, après avis d’une commission composée de professionnels de la spécialité, dans le cadre de la procédure DREESSEN ou de la procédure HOCSMAN. Dans le cadre de ces deux procédures, la commission ministérielle examine l’ensemble des qualifications professionnelles et peut imposer un stage d’adaptation ou une épreuve d’aptitude en cas de différences substantielles par rapport aux qualifications requises en France.
Les cas particuliers :
Par dérogation aux conditions générales d’exercice de la médecine en France, un dispositif transitoire a été mis en place jusqu’au 31 décembre 2025 pour permettre à des médecins à diplôme étranger d’exercer dans certains territoires d’Outre-Mer. Cette autorisation est délivrée pour une durée déterminée, après avis de la commission territoriale d’autorisation d’exercice.
Un arrangement de reconnaissance mutuelle existe entre la France et le Québec pour permettre aux médecins, titulaires de diplômes de docteur en médecine obtenus dans l’une des universités du Québec, d’obtenir une autorisation d’exercice en France. Après dépôt de leur dossier au Conseil national de l’ordre des médecins, le Ministre chargé de la santé doit se prononcer sur l’autorisation individuelle d’exercice.
Des accords internationaux permettent aux médecins de certains pays du Golfe de venir se spécialiser en France, avec une autorisation ministérielle temporaire d’exercice. Ces autorisations sont souvent limitées à une durée d’un an et nécessite l’avis du Conseil national. |
Vers quel statut définitif pour ces médecins ?
Le but des statuts transitoires est de permettre aux médecins hors UE d’accéder à un statut de praticien hospitalier ou de praticien contractuel et/ou d’exercer en libéral.
Le statut de praticien hospitalier est l’objectif principal, car il offre une stabilité professionnelle et des conditions de travail comparables à celles des médecins formés en France ou dans l’UE. Ce statut est accessible après la réussite des EVC, qui est obligatoire pour valider le niveau de compétence requis et obtenir l’autorisation ministérielle d’exercice à titre définitif.
Pour certains, il était également possible d’exercer sous le statut de praticien contractuel, en particulier dans les zones sous-dotées où les besoins en personnels médicaux étaient importants. Ce statut était souvent perçu comme une étape intermédiaire, permettant au médecin de continuer à exercer tout en préparant les conditions pour devenir praticien hospitalier.
Comparaison avec l’Allemagne
En 2022, 52 000 médecins étrangers exerçaient en Allemagne, soit deux fois plus qu’en France. L’Allemagne facilite l’intégration des médecins étrangers grâce à une reconnaissance plus simple des diplômes et à un examen d’évaluation des connaissances plus ouvert. De plus, les conditions salariales et l’assistance dans les démarches administratives en Allemagne attirent de nombreux praticiens y compris francophones malgré la barrière de la langue. Des avantages comme des logements gratuits et des cours de langue accéléré sont souvent proposés pour faciliter leur intégration.
Certains praticiens quittent la France pour trouver de meilleures conditions de travail, d’autres espèrent toujours une régularisation qui tarde à venir. Cette situation met en lumière la nécessité de réformer les politiques de recrutement et d’accueil des médecins étrangers pour mieux répondre aux défis de la pénurie médicale.