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La CPTS Dracénie Provence Verdon – Draguignan : Un Modèle Innovant de Coordination des Soins en Milieu Rural

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En plein cœur de la Provence, la Communauté Professionnelle Territoriale de Santé (CPTS) Dracénie Provence Verdon – Draguignan (DPV) se dresse comme un exemple remarquable de la manière dont la coordination et le soutien aux soins de santé peuvent être optimisés dans les zones rurales. Fondée en 2019 pour répondre à la désertification médicale croissante, la CPTS a depuis lors surmonté de nombreux défis, notamment la pandémie de COVID-19. Anne Degraix, conseillère en relations institutionnelles pour GPM a eu l’opportunité de discuter avec Cindy Pugliese, directrice de la CPTS depuis 2021, et le Dr André François Chaix, ancien cardiologue et président de la CPTS depuis 2023, pour explorer leur parcours, leurs initiatives et leur vision pour l’avenir. L’entretien se déroule au siège de la CPTS, offrant un regard approfondi sur leurs efforts continus pour améliorer les soins de santé dans leur région.

 

Comment a été créée la CPTS Dracénie Provence Verdon ?

Cindy Pugliese : La CPTS Dracénie Provence Verdon a été initiée en 2019 par une infirmière du territoire, Madame Joly. Elle a ressenti la nécessité de coordonner les soins sur le territoire, notamment en raison de la désertification médicale croissante. Elle s’est engagée dans ce dispositif et dès la création de cette association pour laquelle elle a dépensé énormément d’énergie pour regrouper les professionnels de santé. Au départ, beaucoup d’infirmiers ont suivi l’initiative. Mais avec l’arrivée du Covid en 2020, des médecins nous ont rejoints et la nécessité de cette coordination est devenue encore plus évidente. Nous avons créé un centre de consultation et un centre de vaccination. Grâce à l’investissement de Madame Villiers et du Dr Vario Franck, nous avons pu réaliser entre 500 et 1000 vaccinations par jour, ce qui a vraiment mis la CPTS en avant. Cette crise sanitaire a montré, que tous ensemble que ce soient salariés, comme libéraux, nous pouvions offrir une qualité de soins bénéfiques à nos patients.

 

Quelles sont les missions de la CPTS DPV ?

Dr André François Chaix : Notre territoire est vaste, regroupant environ 35 communes et une population d’environ 120 000 personnes. Nous sommes une CPTS de niveau trois, ce qui signifie que nous avons des missions étendues. Pour le grand public, c’est d’abord c’est une action de communication, de prévention, une action sur le web. Vous savez que les CPTS ne sont pas effecteurs de soins. On est là surtout pour coordonner leur prise en charge, pour faire en sorte qu’on ait un accès aux soins qui soit le plus fluide possible, en sachant qu’il y a une forte désertification médicale.

Cindy Pugliese : Après la crise sanitaire, nous avons signé des accords avec l’ARS et la CPAM en 2021 pour formaliser notre projet de santé, qui inclut des missions socles comme l’accès aux soins, les parcours, la prévention et optionnelle avec l’attractivité du territoire. Nous avons dû adapter notre dynamique de coopération et d’inclusion, en créant plus de moments de convivialité, d’écoute et de soutien parce qu’il y avait de la souffrance chez les professionnels de santé. Cela a permis de renforcer notre pouvoir d’action et d’attirer de nouveaux professionnels.
Mon rôle personnel consiste à servir d’interface entre les instances institutionnelles et les professionnels de santé, afin qu’ils ne se découragent pas face aux négociations et aux démarches administratives complexes. Nous ne nous limitons pas aux ACI et aux missions classiques de la CPTS ; nous réalisons des appels à projets, des projets expérimentaux, et de la formation continue.
Notre politique est de répondre aux besoins des professionnels de santé motivés qui nous sollicitent pour des actions spécifiques. Nous développons donc diverses activités supplémentaires pour accompagner et soutenir leurs projets.

 

Quelle place occupe la CPTS dans le paysage sanitaire local ?

Dr André François Chaix : La CPTS Dracénie Provence Verdon joue un rôle central dans la coordination des soins sur notre territoire. Nous travaillons en étroite collaboration avec les professionnels de santé locaux pour garantir aux patients de recevoir les meilleurs soins possibles. Notre capacité à répondre rapidement aux besoins, notamment en temps de crise comme la pandémie de Covid-19, qui a renforcé notre position et notre crédibilité dans la région.

 

Comment facilitez-vous l’accès et la coordination aux soins ?

Cindy Pugliese : Nous avons mis en place plusieurs actions concrètes pour améliorer le maillage territorial des professionnels de santé. Par exemple, nous avons ouvert nos capacités d’accueil pour des médecins en retraite ou des jeunes praticiens, ce qui a permis de répondre au besoin croissant de médecins traitants. Nous organisons également des formations communes et des événements pour renforcer les liens entre les professionnels de santé.

Dr André François Chaix : Ce qui est important c’est d’établir un climat de confiance entre les différents professionnels de santé. La CPTS est un repère et il y a une relation de confiance avec tous les professionnels de santé. C’est en travaillant ensemble qu’on arrive à créer du lien et à développer des actions.

 

 

Quels sont vos partenaires locaux et comment travaillez-vous avec eux ?

Cindy Pugliese : Nous travaillons étroitement avec de nombreux partenaires, y compris les hôpitaux et les centres de santé. Par exemple, nous avons récemment collaboré avec l’agglomération de Dracénie Provence Verdon pour ouvrir un centre de santé intercommunal. Ce projet vise à salarier des médecins retraités ou des jeunes médecins, augmentant ainsi l’accès aux soins. On a accompagné l’agglomération dans ce projet-là tant sur le diagnostic territorial, la communication avec les professionnels de santé, ou ne serait-ce que sur l’organisation en elle-même.
Dans nos accords interprofessionnels avec les CPR, nous suivons divers indicateurs de conventions et de partenariats. Toutefois, nous privilégions des partenariats effectifs et dynamiques sur le terrain plutôt que de simples signatures de conventions. Par exemple, bien que nous n’ayons pas de convention formelle avec notre centre hospitalier local, nous collaborons étroitement avec eux.
Les conventions peuvent parfois limiter les actions en les enfermant dans un cadre trop rigide, alors que notre travail évolue constamment avec de nouvelles actions et problématiques. Après quatre années d’expérience, nous trouvons plus efficace de maintenir des partenariats flexibles et adaptables, reflétant ainsi la réalité du terrain.
Nous collaborons également avec divers acteurs médico-sociaux, incluant des confrères, des groupes mutualistes, et des associations locales. Ces partenariats se forment naturellement par territoire, souvent avec des acteurs institutionnels. Un exemple notable est notre travail avec une association dans le cadre de nos parcours périnatalité, qui soutient la parentalité avec l’aide de professionnels de santé.
Notre objectif principal est de mutualiser les ressources, de soutenir et d’accompagner ces initiatives, et surtout de les faire connaître. Un enjeu majeur pour une CPTS est de rendre visibles les nombreuses actions déjà en place, souvent méconnues. Nous nous efforçons donc de connecter ces partenaires, d’identifier leurs rôles, et de créer un réseau informé et intégré.

Dr André François Chaix : Nous avons des conventions et des collaborations actives avec divers acteurs, ce qui nous permet de coordonner efficacement les soins et d’assurer une prise en charge cohérente et efficace des patients. Il faut signaler que l’hôpital et la clinique font partie du conseil d’administration de la CPTS. Cela montre l’ouverture de ces institutions et leur volonté de collaborer étroitement avec nous.
Nous avons aussi des partenariats avec des associations locales et des groupes mutualistes. Par exemple, nous avons des collaborations avec LIDER Diabète pour un parcours d’éducation thérapeutique pour les patients diabétiques. Nos actions de prévention et nos différents parcours de soins montrent notre engagement à travailler avec tous les acteurs locaux.

 

Quels sont les professionnels impliqués dans la CPTS aujourd’hui ?

Cindy Pugliese : La CPTS regroupe une diversité de professionnels de santé, y compris des médecins généralistes, des spécialistes, des infirmiers, des kinésithérapeutes, et bien d’autres. Tous ces professionnels travaillent ensemble pour assurer une prise en charge globale et coordonnée des patients. Nous avons également vu une augmentation du nombre de professionnels qui souhaitent rejoindre la CPTS, attirés par notre approche collaborative et nos actions concrètes sur le terrain.

Dr André François Chaix : Le nombre d’adhérents ne fait qu’augmenter avec des professionnels de santé qui pendant une certaine période ne se sentaient pas concernés et qui finalement viennent parce qu’ils ont compris que grâce à ce concept on n’était plus seul et pouvait travailler en bonne intelligence.

 

Comment maintenez-vous cette dynamique au sein de la CPTS ?

Cindy Pugliese : Nous maintenons cette dynamique en organisant régulièrement des réunions, des formations et des événements conviviaux tels que des tournois sportifs. Ces moments permettent aux professionnels de se rencontrer, d’échanger et de renforcer leurs liens. Nous veillons également à répondre rapidement aux besoins et aux préoccupations des professionnels de santé, ce qui crée un climat de confiance et de collaboration. On essaie de combattre au maximum le cloisonnement en ayant des discours communs et en organisant des formations communes que ce soit pour les libéraux, nos adhérents, comme pour les salariés de nos partenaires.
La meilleure façon d’attirer de nouveaux professionnels de santé est de faire parler de nous, des bénéfices qu’on leur apporte, d’être dans le concret. Il faut savoir que nous ne nous n’avons pas arrêtés notre dispositif à la ville, nous faisons aussi bénéficier toutes nos actions aussi au niveau hospitalier, au niveau des salariés, que ce soit en structure ESMS ou SSR car chaque médecin est susceptible de basculer de l’un à l’autre.

Dr André François Chaix : À titre personnel, je participe au conseil de surveillance de l’hôpital, ce qui illustre l’ouverture de l’hôpital à notre avenir commun et la volonté de collaboration entre le secteur hospitalier et le secteur libéral. Cet engagement vise à renforcer le lien ville-hôpital et à surmonter les divergences doctrinales du passé.
Ce qui est important pour l’attractivité du territoire, c’est d’offrir aux jeunes médecins plusieurs possibilités d’installation, que ça soit en libéral dans le cadre notamment d’exercice coordonné comme des maisons de santé pluri disciplinaire et pluri professionnelles. Un centre de santé va s’ouvrir bientôt. Ce centre de santé est particulier car il est géré de manière autonome par la communauté d’agglomération de Dracénie Provence Verdon et non par un groupe financier, ce qui lui confère une éthique communautaire distincte des centres de santé souvent dirigés par des groupes financiers.

Cindy Pugliese : Depuis l’année dernière, le conseil d’administration de notre CPTS est ouvert à tous les membres adhérents, chaque corporation ayant une voix. Cette nouveauté permet à chacun de participer selon ses disponibilités, contrairement à l’ancien système de sièges nominatifs avec suppléants, qui posait des problèmes de présence.
Tous les adhérents peuvent maintenant prendre part aux discussions et suivre l’actualité du conseil d’administration. Cependant, la participation varie en fonction des thématiques abordées. Par exemple, lors de la dernière réunion sur le budget financier et la validation des comptes, la participation était faible, car certains membres ne se sentent pas à l’aise avec ces sujets. La CPTS gère actuellement une douzaine de budgets par mission, ce qui ajoute une complexité financière importante et peut décourager certains professionnels de santé.

 

Observez-vous une amélioration de la prise en charge des patients ?

Cindy Pugliese : On accompagne sur des actions d’information et de formation pour tous les professionnels de santé. On essaye de décloisonner les barrières entre l’activité salariale et libérale pour éviter les ruptures de parcours pour le patient. Évaluer la qualité de la prise en charge de l’individu est complexe, mais nous observons que les professionnels de santé ne se sentent plus seuls et trouvent des solutions plus rapidement.

Dr André François Chaix : Nous intervenons à la fois en amont et en aval, notamment pour organiser la prise en charge à domicile des patients à leur sortie de l’hôpital. Les professionnels de santé nous contactent pour faciliter cette transition, une mission clé de la CPTS visant à améliorer le suivi et le bien-être des patients après leur hospitalisation.

Cindy Pugliese : Les problèmes de communication, notamment lors des sorties d’hospitalisation tardives sans compte rendu, posent des défis. Les professionnels de santé, souvent sans interlocuteur précis, nous sollicitent. Grâce à nos partenariats et notre réseau de communication, nous trouvons des solutions efficaces, évitant ainsi aux professionnels de perdre du temps précieux.
Un des principaux obstacles dans la gestion des parcours de soins est la communication entre professionnels et services. En établissant des contacts clairs disponibles en semaine, en soirée et le week-end, nous éliminons ces freins. Par exemple, dans le parcours gynécologique, deux réunions ont suffi pour fluidifier la prise de rendez-vous en urgence, transformant ainsi un processus complexe en un système efficace et rapide.

 

Quel bilan intermédiaire faites-vous après ces 4 années d’existence ?

Dr André François Chaix : Le nombre d’adhérents ne cesse d’augmenter, incluant des professionnels de santé qui, auparavant, ne se sentaient pas concernés. Ils réalisent maintenant que ce concept permet de ne plus être isolé et de travailler en collaboration efficace.

Cindy Pugliese : Le Dr Chaix a pris la présidence en mai de l’année dernière, marquant une nouvelle étape pour la CPTS. Depuis quatre ans, j’observe une évolution notable, notamment par la diversité des adhésions. Les adhérents renouvellent leur participation, de nouveaux membres rejoignent, et nous parvenons à augmenter les adhésions au sein de nos corporations.
La gestion administrative d’une CPTS est un défi car les professionnels de santé sont avant tout des acteurs de terrain et non des experts en paperasse ou en finances. Il est donc crucial de structurer cette partie en interne pour que les professionnels puissent se concentrer sur leurs activités principales. C’est un aspect que nous maintenons avec grande attention.
La gouvernance, incluant le bureau et le conseil d’administration, exige un investissement considérable. En quatre ans, nous avons eu trois présidents : Madame Joly, qui a quitté après la crise Covid en raison de l’épuisement, le Dr Vario, qui s’est essoufflé après un an et demi, et maintenant le Dr Chaix. Tous les membres du bureau travaillent bénévolement, investissant leur temps personnel, ce qui représente une perte financière pour ceux en activité libérale. Le Dr Chaix, à la retraite, s’est engagé et consacre son temps à la CPTS.

Dr André François Chaix : Nous avons la chance d’avoir une directrice expérimentée et bien formée qui maintient le cap depuis quatre ans. Elle excelle dans la gestion des différents dossiers et des nombreuses problématiques administratives liées à une CPTS, un défi considérable.
Ayant rejoint la CPTS il y a un an, j’ai pris conscience de la complexité de ces tâches en participant aux ACI, aux négociations avec la CPAM, et aux dialogues avec l’ARS. La gestion administrative de la CPTS est exigeante et requiert une grande compétence intellectuelle.

 

Quels sont les prochains projets de la CPTS DPV ?

Dr André François Chaix : Nous développons un nouveau levier d’action au sein de notre CPTS : un centre de prévention en santé. Initiée par notre directrice et soutenue par la gouvernance, cette initiative nous enthousiasme tous. Ce centre de prévention se distingue par son approche proactive, avec des consultations de prévention aux âges clés de la vie, définies par la Direction Générale de la Santé. Il vise à assurer un suivi continu de la prévention, plutôt que des actions ponctuelles.
Le centre offrira également de l’éducation thérapeutique, des soins de support en oncologie, des accompagnements diététiques, et collaborera avec diverses associations via des conventions. Nous intégrerons des outils numériques, l’intelligence artificielle, et potentiellement la génétique, pour renforcer nos actions de prévention.

 

Conclusion

En conclusion, la CPTS Dracénie Provence Verdon se dédie pleinement à être « au service des professionnels de santé et dans l’intérêt des patients. » Ce slogan reflète leur engagement inébranlable à améliorer les soins de santé par une collaboration étroite et une coordination efficace, en plaçant toujours les besoins des patients au centre de leurs actions. Le bilan de ces premières années est très positif, marqué par une croissance continue du nombre de professionnels impliqués et des résultats tangibles en termes de qualité des soins. Avec cette mission claire, la CPTS Dracénie Provence Verdon continue de jouer un rôle central dans le paysage sanitaire local, prêt à relever les défis futurs et à continuer à innover pour le bien-être de la communauté.