Interview d’Alice Bonnet, les débuts d’une infirmière
«Même si tout n’est pas rose, j’apprécie le travail d’équipe et la reconnaissance des patients.»
Dans un contexte où la France compte 632 644 infirmiers, dont 19 % exercent en libéral ou de manière mixte, le portrait de la profession d’infirmière se dessine avec des traits particuliers. L’âge moyen des professionnels s’établit à 40,8 ans, avec une prédominance féminine marquée à 87 %. Malgré l’importance vitale de leur rôle dans le système de santé, le salaire moyen en début de carrière à l’hôpital reste modeste, s’élevant à 1 827,55 euros brut hors primes. C’est dans ce contexte que nous avons rencontré Alice Bonnet, une jeune infirmière qui, malgré les défis inhérents à la profession, embrasse avec passion et détermination son choix de carrière. Son témoignage offre un aperçu sincère des réalités du métier, entre les gratifications personnelles et les obstacles quotidiens, éclairant le parcours d’une professionnelle engagée au service des autres.
Vous débutez votre carrière d’infirmière, depuis quand et dans quel établissement exercez-vous ?
Je travaille à la clinique FSEF Paris 16, anciennement Clinique Edouard Rist Paris, dont l’offre de soins est dédiée aux adolescents et jeunes adultes. Cela fait maintenant un an et demi que j’ai commencé, juste après l’obtention de mon diplôme.
Qu’est-ce qui vous a poussée à devenir infirmière ?
À l’origine, je voulais travailler dans l’événementiel, mais à la suite d’un problème de santé en terminale, j’ai été alitée pendant plusieurs mois. Au cours de cette période, j’ai été accompagnée par des infirmières à domicile. Leur expérience et les bienfaits de leurs soins m’ont inspirée et j’ai décidé de m’orienter vers ce métier.
« Les stages sur le terrain m’ont beaucoup appris sur la réalité du métier. »
Pensez-vous que vos études vous ont bien préparée à votre métier ?
Oui et non. Les stages sur le terrain m’ont beaucoup appris sur la réalité du métier. Heureusement, car il y a des aspects pratiques qu’on n’apprend pas en cours, comme la gestion des relations humaines et les contraintes de planning du quotidien. Surtout dans un établissement comme le mien où l’on a à faire à des patients jeunes qui ont entre 13 et 25 ans pour des séjours souvent de longue durée.
Quelles sont vos principales missions au quotidien ?
J’assure et contrôle les prises de médicaments, prends les constantes, effectue des pansements, reste vigilante sur le suivi des effets secondaires des médicaments. Je prends du temps également pour accompagner les patients et leur famille, échanger avec eux, dans leur vécu quotidien mais aussi parfois dans des situations critiques comme un décès.
« Je prends du temps pour accompagner les patients et leur famille, échanger avec eux. »
Êtes-vous satisfaite de votre métier ?
Oui, j’apprécie particulièrement le contact avec les patients et la reconnaissance qu’ils nous témoignent. Malgré tout, le rapport avec les familles peut parfois être plus compliqué, car elles ont souvent des attentes élevées et ne comprennent pas toujours les contraintes de notre travail.
En dehors des familles, nous avons des interlocuteurs variés car notre clinique fait partie d’un réseau rattaché à la Fondation de santé des étudiants de France. Nous travaillons avec des associations, l’Éducation nationale. Il nous arrive d’être en lien avec des professeurs, des CPE, des éducateurs spécialisés.
C’est un travail en solo ou coordonné ?
C’est un travail d’équipe, il y a de l’entraide entre collègues. Dans notre équipe, nous sommes 11 au total et 4 à 6 par jour. Même si tout n’est pas « rose » et sans anicroches, on se sent soudés. Et j’inclus dans le mot « équipe », tout le personnel de terrain : aides-soignants, femmes de ménage… Nous sommes accompagnés aussi par les cadres de santé, ce qui n’est pas toujours le cas, d’après ce que me rapportent des collègues extérieurs.
Comment percevez-vous l’avenir de votre profession ?
Je crains que l’évolution de la profession soit de plus en plus difficile, avec des formations et des stages insuffisants, une trop forte charge de travail et un manque de soutien. Les infirmiers sont souvent désignés comme les premiers responsables en cas d’erreur, ce qui peut créer une pression supplémentaire.
« Je vois les technologies de l’IA comme des outils supplémentaires et non comme une menace pour nos compétences. »
Vous sentez-vous concernée par le développement de l’intelligence artificielle dans le secteur du soin ?
Pour le moment, je n’ai pas eu d’expérience significative avec l’intelligence artificielle, mais j’utilise des outils informatiques dans mon travail quotidien, pour les transmissions ou des questions administratives entre autres. Je vois ces technologies comme des outils supplémentaires et non comme une menace pour nos compétences. Peut-être que cela nous libèrera du temps « technique » pour que nous soyons davantage dans une relation de soin.
Beaucoup d’infirmiers quittent leur travail en début de carrière, selon vous, qu’est-ce qui ne va pas ?
Il y a plusieurs raisons à cela, notamment la charge de travail, la pression psychologique et le salaire qui ne correspond pas toujours à l’investissement demandé. De plus, l’adaptation au milieu professionnel peut être difficile pour certains. On n’est pas toujours aidé, par l’encadrement, surtout pendant les études et la période des stages. Certains sont dégoûtés au point d’abandonner leur cursus de formation.
Envisagez-vous de participer à des formations dans le cadre de la formation professionnelle continue ?
Oui, même si mes études sont récentes, j’ai envie de continuer à me former et à acquérir de nouvelles compétences en pansement par exemple ou dans la prise en charge de la douleur ou en soins palliatifs.
Source : Ordre national infirmiers / Insee / Adeli /Arcolib 2022
Propos recueillis par Marina Kolesnikoff (août 2023).